Depuis plus de 20 siècles la Chine, puis plus tard le Japon, exprime le sentiment humain, le rêve, l'admiration de l'homme pour la nature avec la même élégance dans le tracé et les 3000 nuances de gris entre l'extrême clarté du blanc jusqu'à la profonde obscurité du noir. C'est plus particulièrement dans les écoles de pensée de l'ancienne Chine que se développe la peinture tch'an de la nature. Elle est le fruit d'une observation soutenue et méticuleuse d'un élément de la nature, fleur, bambou, forêt, paysage... Puis l'artiste tch'an, sans aucune précipitation, laisse place à un moment de silence pendant lequel il se concentre intérieurement. Il prépare son encre, apaise ses émotions, son souffle, son esprit.
Apprivoise la montagne et tu te connaîtras © |
Enfin le peintre accomplit de façon apparemment spontanée, rapide, parfois fulgurante, sa représentation de la nature. En quelques instants tout prend place, les nuages du ciel, la crête des montagnes, leurs pentes neigeuses, la brume dans la vallée et la forêt de sapins en bas où coule un ruisseau. Sans oublier les espaces blancs qui resteront toujours, à l'inverse de notre peinture, préservés, intouchés par le pinceau.
Cet art a aussi trouvé ses racines au Japon, notamment dans les monastères bouddhistes zen et s'appelle encore aujourd'hui en japonais la peinture zen (ou sumi-e).
Notre étonnement reste le même devant ces paysages en noir et blanc qui expriment à la fois l'énergie et le frémissement de la vie.
Aujourd'hui cet art spirituel de la peinture à l'encre s'enseigne encore. Nul besoin de savoir dessiner.
La peinture tch'an et zen continue d’inviter à regarder vraiment, à utiliser le souffle dans notre geste, à développer nos sens et à les canaliser avec patience. A notre époque où nous apprenons à piloter les ordinateurs du bout des doigts, où l'on peut composer des tableaux avec un logiciel, retoucher des photos, évoluer dans des images virtuelles, la main demeure encore le plus court chemin de la créativité.
La peinture à l'encre apprend l'aisance, la justesse et la vivacité. Elle développe la confiance en soi sans se noyer dans les détails. Enfin, elle permet l'accès au geste juste, hors des urgences et du stress quotidien. Comme le disait un maître, "le geste juste ne nous sera donné qu'au moment où nous cessons de vouloir le saisir".